L’essence de notre métier :

  • Assurer le suivi individuel de l’état de santé des salariés et conseiller l’entreprise.
  • Redonner un élan collectif au service de prévention et de santé au travail.
  • Co-construire avec les entreprises afin de répondre à leurs besoins émergents.

C’est fort de ces fondements que EnSanté vous propose de rejoindre nos équipes.

Témoignage du Dr Sophie MECHALI
Médecin du travail

Introspection mineure

Déjà plus de 20 ans que j’exerce ce métier. Médecin du Travail. Un métier varié, vous allez voir du pays, engagez-vous!

Pour rire, mais il y a du vrai. C’est un voyage dans l’humain. Et la curiosité est un bagage indispensable.

Nous sommes d’abord médecins et ce métier donne une connaissance de l’être humain dans sa constitution physique, psychique, sociale, quasi globale…  Le nombre de personnes malades et qui travaillent est très important. S’assurer que les problèmes médicaux ne s’aggravent pas à cause des conditions de travail, renvoie à l’aptitude. J’en profite, suite à ma boutade en début de texte, pour souligner que le terme « apte » n’a rien à voir avec l’armée. Donc beaucoup de gens malades travaillent. Et pour la plupart, ils peuvent travailler, même si cela nécessite des aménagements du poste. Certains se savent condamnés à court terme et choisissent de remplir leurs derniers jours par le travail. C’est une valeur bien au-delà de l’argent et de l’insertion sociale. Mon métier, c’est « trouveur »  d’idées qui pourraient devenir des solutions, pour remplir le droit au travail, pour une place pour chacun.

Consultations

Alors je fais des consultations d’embauche, de reprise, occasionnelles, périodiques aussi. J’aime ces consultations où j’écoute comment se passe le travail, où je note les changements et j’essaie de dépister les risques nouveaux. C’est à la fois un bilan médical et une étude des conditions du travail dans l’entreprise.  Étude qui me projette dans le “tiers temps” futur.

C’est un temps indispensable au métier à mon avis. Il nécessite ensuite de bien regarder lors de l’examen clinique. Le corps parle lui aussi. Il se marque, tout comme l’esprit, des conditions de travail. Les cals sur un genou pour les employés libre-service accroupis lorsqu’ils remplissent les rayons du bas, la poussière de farine pour des boulangers qui viennent de voir changer l’architecture de leur local, donnant une idée de l’augmentation du risque d’asthme par exemple. Je regarde systématiquement les mains, les doigts, qui peuvent trembler, se déformer, dénoncer une insuffisance hépatique ou respiratoire, dénoncer les produits manipulés… Mon métier, c’est médecin Sherlock Holmes! Pour rire, peut-être, mais suite à de nombreux malentendus, les choses ne nous sont pas dites si facilement. Il faut déduire.

Tiers temps / consultation

Nous saisissons le mouvement et donc la vie des entreprises grâce à ce lien simultané des visites périodiques et de la connaissance de l’entreprise par le tiers temps. Le mouvement pour dépister les risques émergents et faire de la prévention primaire. Je reconnais qu’alors je me transforme souvent en une sorte de Cassandre. Mon métier, c’est « Madame Soleil » pour anticiper l’avenir. Je surveille aussi le mouvement des pathologies et de leur aggravation. Le moment où il est préférable de préparer un reclassement professionnel pour certains salariés. Pour les néophytes en santé au travail : je lève le doute immédiatement, nous faisons du maintien dans l’emploi au quotidien, aussi bien au cours d’une visite périodique que d’une visite de pré-reprise. Au moment de l’inaptitude, c’est souvent un peu trop tard.

Tiers temps

Parlons un peu du tiers temps. Nous “visitons” les postes de travail, les entreprises, les chantiers… merveille des merveilles! J’ai commencé par une fabrique de biscuit à Nantes, j’ai pu connaître des mégisseries en Région Centre, des maroquineries aussi. A l’entrée, des peaux, à la sortie des sacs magnifiques. Des salariés remplis de fierté devant ce beau travail. Une fonderie avec des lingots à l’entrée et des robinets à la sortie, mais aussi des charges à manutentionner, du bruit, du plomb et de la fumée entre les deux. Et des hommes fiers d’y arriver quand même. Mon métier donne accès au cœur même de notre humanité. Évidemment tout a un prix, mais quelles limites ?  Combien de surdité, de mains usées, d’intoxication au solvant… et plus récemment d’infarctus, de dépressions graves à force de vouloir trop faire, tout tenir, la perfection au quotidien.  Ne pas perdre de vue que l’entreprise n’est pas un musée. La visite se fait avec les yeux du mouvement, les renseignements pris lorsqu’on a écouté les salariés en visite périodique. Les diagnostics ont changé et les prescriptions se font souvent sur l’organisation du travail. Nous semons des idées comme les graines de l’agriculteur. Patience, le changement sera solide si l’entreprise s’approprie les conseils et les adapte à sa façon.

Toutes les fleurs de l’avenir sont dans les semences d’aujourd’hui (proverbe chinois). Mon métier, c’est le plaisir de l’agriculteur au mois de juillet.

Évolution par rapport à la période amiante, nous bénéficions du droit d’alerte. Parfois, je n’ai pas le temps d’attendre que les graines poussent. Je dois m’armer d’autre chose que mon sourire. Une pioche ? non, mais des arguments massue par exemple. Les relations avec les entreprises sont parfois conflictuelles. Je me permets d’expliquer aux néophytes qui pourraient me lire, que le médecin du travail n’a pour priorité que la santé des salariés. Pas les finances de l’entreprise. Il n’a pas accès aux livres de compte, ne choisit pas les stratégies commerciales ni les investissements. Je me retrouve dans le meilleur des cas à discuter sur les conséquences médicales de choix d’outils ou d’organisations ou de produits. Quand il n’y a pas de discussion, ni compromis, il y a conflit. Mon métier, c’est aussi un peu de bagarre.

En dehors de la satisfaction de l’exercice pur de mon métier, il y a le plaisir sans cesse renouvelé, au milieu de la violence ordinaire, de la rencontre de personnes exceptionnelles. Celui qui embauche des jeunes “paumés” pour leur donner une chance, celui qui a construit son entreprise progressivement à coup d’heures de travail excessives avec des nuits sans sommeil et la peur de tout perdre, le salarié qui monte “au créneau” pour défendre ses collègues, celle qui s’occupe d’un parent malade le soir en tenant son travail dans la journée… des gens de courage “ordinaire”, de persévérance, de dignité, d’intelligence pour maintenir et faire évoluer « leur » entreprise et le monde autour d’eux. Mon métier c’est aussi le plaisir du Chercheur d’Or quand il trouve un filon.

Petite note pour l’avenir : construire avec les infirmiers en santé au travail la connaissance du terrain par la consultation, la construction de la prévention par l’écoute initiale.

En conclusion, ce texte n’a pas pour but de décrire ce que je fais dans mon métier, sinon j’aurais parlé aussi de la surcharge de travail et l’usure possible (choisir, c’est renoncer), j’aurais parlé de toxicologie, droit du travail, ergonomie, psychopathologie, sociologie, médecine aussi… et j’aurais écrit un bien gros livre.

Dr Sophie MECHALI